Charlie Winston | Un nouvel album et une playlist exclusive pour What The France !
As I Am, le 5ème album de Charlie Winston, le premier pour le label Tôt ou Tard, a été conçu dans un moment particulier : dans le huis clos forcé des confinements, sous l’injonction permanente de la distanciation sociale et du respect des gestes barrières. Paradoxe heureux, le chanteur anglais s’y présente pourtant sans masque et n’a jamais autant pratiqué la mise à nu. « Ce titre, As I Am, a la valeur d’un mantra. C’est un moyen de rappeler qui je suis et ce que je fais » précise celui qui en 2009 avait fait sensation avec le tube « Like A Hobo » révélant une identité musicale forte, folk et rock à la fois, ainsi qu’une nature prompte au vagabondage, entièrement tendue vers une quête de soi et un besoin de l’autre. À l’époque, une voie royale s’ouvrait devant lui. Hélas vite obstruée par de sérieux soucis de santé au point de lui faire envisager en 2015 l’arrêt pur et simple de sa carrière. Trois ans plus tard sortait pourtant l’opus Square 1, signe d’un rétablissement et d’un nouveau départ. « Si Square 1 a été la phase de conception, As I Am est celle de l’accouchement. Il existe une continuité entre les deux. Celui-ci va plus loin dans une démarche similaire : explorer qui je suis, remettre en question certaines de mes certitudes. Ce dont j’avais besoin pour me sentir plus libre. » L’enregistrement de Square 1 s’était distingué par la présence de quelques invités aussi prestigieux que le joueur de kora Toumani Diabaté et le tablaïste Aresh Durvash. Celui d’As I Am fera date en révélant une association aussi inattendue que fructueuse avec Vianney couronnée par un duo, « Shifting Paradigms », qui résume à lui seul l’esprit du disque. « Le fil conducteur c’est le lâcher prise, l’acceptation de ses propres limites. Être multi instrumentiste, avoir enregistré plusieurs albums et connu le succès, à la longue on se fait une idée de soi-même qui mérite d’être corrigée. D’où la nécessité du lâcher prise. Bien qu’il soit de dix ans mon cadet, Vianney a compris cet enjeu. Il n’y avait rien à protéger entre nous. C’était extrêmement naturel et très riche comme relation de travail. » De cette belle complicité résulte donc les chansons d’As I Am enregistrées à deux dans le home studio parisien de Vianney avec quelques renforts. « Je joue la plupart des instruments mais Vianney fait aussi beaucoup de guitare. Si je suis un guitariste rythmique, lui est plus « lyrique ». Les seules interventions extérieures concernent la trompette d’Ibrahim Maalouf et les parties orchestrales enregistrées à Rome par un ensemble de cinquante musiciens. »
Parmi les chansons les plus représentatives de l’album, on trouve « Exile » où Charlie clôt ce débat intérieur qui l’agite depuis longtemps, être un artiste anglais populaire en France et globalement ignoré dans son pays. « Dans ce morceau je confesse que je ne suis plus vraiment un sujet britannique, que je suis devenu « frenglish ». Une sensation qu’est venue renforcer le Brexit. Mon épouse est française, je vis en France, mon public est basé essentiellement en France. J’ai longtemps été frustré de ne pas être reconnu en Grande Bretagne mais cela fait désormais parti des motifs d’acceptation dont ce disque porte l’empreinte. » Autre moment clef de ce répertoire, « Unconscious », le plus épique de tous, où Charlie évoque la manière dont il a surmonté la douleur grâce à une méthode qui consiste à remonter aux origines émotionnelles de celle-ci pour mieux s’en libérer. « C’est une chanson très personnelle qui rend compte de ce qui fut pour moi un véritable miracle, une authentique renaissance. » Si l’introspection occupe une place importante dans ses textes, ceux de As I Am se distinguent par leur aspiration à évacuer ce trop-plein d’intériorité, à déposer cette charge mentale comme on dépose les armes pour mieux embrasser la vie dans toute sa plénitude. C’est le cas notamment de « Don’t Worry About Me », co-écrit avec Ibrahim Maalouf, où il se défait gaiement d’une tendance à l’auto-apitoiement. Cet état bienheureux on le retrouve dans « Letter From My Future Self » où l’homme qu’il sera en 2063 écrit une lettre à celui qu’il est aujourd’hui. « J’ai écrit cette chanson en pensant à ce que je pourrais dire aujourd’hui, où j’ai passé la quarantaine, à celui que j’étais il y a vingt ans. Et ce serait d’être plus relax, moins anxieux, de ne pas se complaire inutilement dans les zones d’ombre. » De cette zone d’ombre remontent pourtant « Echo » et « Limbo » où il s’efforce d’échapper au doute, cherche à oublier ses défaites, à jeter aux vents ses vanités, ses conquêtes de passage pour retrouver la vie, imparfaite mais pleine. Mais d’où lui vient pareille vulnérabilité qui traverse les textes de ses chansons les plus poignantes ? « J’ai grandi dans un hôtel que tenaient mes parents dans le Suffolk où il y avait un coffee shop, un bar, un restaurant, une salle de concert, et une salle de bal pour les réceptions. C’était comme un hub. Des gens venaient de Londres, des comédiens, des célébrités… Finalement tout ça nuisait à notre vie de famille, raréfiait les occasions de se retrouver autour d’une table pour le dîner ou pour les vacances. Mes parents étaient toujours occupés, toujours dans un état de stress extrême. C’était assez chaotique. Face au manque d’attention, nous avons apportés nos propres réponses, nous nous sommes réfugiés dans les pratiques artistiques » souligne celui dont l’un des frères, Tom Baxter, et la sœur, Vashti Anna, mènent aussi une carrière musicale. « Moi j’étais le clown de service, toujours joyeux, toujours à faire le pitre. Mais joyeux ne signifiait pas que je n’étais pas atteint émotionnellement et que je n’allais pas devoir pas en payer le prix. Ce qui s’est traduit par mes sévères problèmes de santé ».
Si selon lui, derrière toute vocation artistique se cache une forme de thérapie, As I Am constitue à l’évidence l’aboutissement d’un long chemin de guérison qui a mobilisé l’essentiel de son existence, le franchissement victorieux d’une ligne d’arrivée. « Je suis ce que j’appelle un « Covid winner ». J’ai profité de cette période spéciale, négative pour nombre de personnes, pour améliorer ma relation à moi-même et aux autres. » De ce nouvel élan il tire notamment « Algorithm », ajoutant à cette histoire d’amour post moderne une pincée d’ironie et de mélancolie la rendant à la fois désopilante et triste. « Cette chanson se situe sur une ligne de crête entre le plaisir et la solitude. Aujourd’hui nous avons plus d’interactions avec notre téléphone portable qu’avec la plupart des personnes humaines. Ce qui contribue à nous plonger dans une immense faille de solitude. Ce qu’exprime « Algorithm » c’est que cet usage immodéré des nouveaux outils de communication induit un mécanisme faussé dans nos relations amoureuses. » Méprise qu’il entend rectifier avec « I’ll Never Hold You Back » ou « Open My Eyes », deux instants de gratitude et de grâce où il semble enfin atteindre cette quiétude d’âme qui lui échappait. Où sa musique, fruit d’une patiente et captivante distillation de folk et de pop, enrichie ici par la solennité d’un piano, là par la touche funky d’une guitare, se fait mutine, solaire ou poignante. En un mot, universelle.
Pour accompagner la sortie de son nouvel album, Charlie Winston nous a fait l’honneur de mettre au point une playlist exclusive pour What The France, sur laquelle on découvre quelques-uns de ses titres « Made in France » favoris, avec au programme des œuvres signées :
Pomme, Adrienne, Syka James, Laurnet Bardainne, Bertrand Belin, Tigre D’Eau Douce, Parcels, Lonny, Delgres, Coline Rio, Charlotte Adigéry et Bolis Pupul, Isaac Delusion, Ibrahim Maalouf, Feu! Chatterton, Malo’, Ben Mazué, Jérémy Frérot, Terrenoire, UTO, Joseph Kamel, Clacky, Jeanne Added ou Gaviny.